Il se sentait profondément attiré par ce portail. Non pas qu'il ait envie de le franchir, loin de là même. Il était bien dans ce monde, et Yunyun l'attendait chez lui, avec sa famille. Sa "maison". Il faut bien le dire, après une enfance passée à être traqué pour être tué, Luciole était heureux d'avoir un foyer, même s'il ne l'admettait pas. Mais à voir ce portail devant lui, ne pas le franchir lui semblait impossible. Comme un enfant qui meure avant ses parents. Totalement, implacablement contre-nature.
Cette attirance le dérangeait profondément. Il ne parvenait pas à se l'expliquer. C'était tellement intriguant ! Et usant à la fois... Alors, pour faire disparaître cette attirance, il décida de brûler le trou noir devant lui. Il se concentra. Réussit à faire apparaître une colonne de flammes dévorantes, droit sur sa cible. Mais rien n'y fit. Ce fichu passage était toujours là.
Il sortit la lettre de sa poche, la défroissa, la relut. Et se décida enfin à céder à cette terrible tentation.
Le voyage fut des plus désagréables. Balloté dans tout les sens, il en avait le mal de mer. Cela cessa brutalement, comme cela avait commencé. Luciole se retrouva projeté par terre, sur le dos. Il resta un moment étendu ainsi, attendant que cette dérangeante sensation daigne se retirer, que son estomac cesse de se croire aux montagnes russes. Lorsque le jeune homme osa enfin ouvrir les yeux, le décor n'avait pas vraiment changé, si ce n'est qu'il n'y avait plus aucune trace du passage.
Keikoku relut une nouvelle fois la lettre. Il lui semblait qu'il n'avait guère le choix, maintenant. Il devait se rendre au Pensionnat Magique. D'accord, mais... C'est où, ce "pensionnat" ? Le pauvre Luciole n'avait évidemment pas pensé à prendre le plan qui était fournit avec la lettre, et il était réputé pour n'avoir aucun sens de l'orientation... Mais bon, tant pis. Le jeune homme ne se souvenait déjà plus qu'il devait se rendre au Pensionnat, et décida d'explorer les alentours. Il se lança donc à la découverte de cet endroit, de sa démarche bondissante. Admirant les paysages, ne se souciant de rien.
La journée passa ainsi. Notre blondinet avait réussit, il ne savait grâce à quel miracle, à parcourir une distance assez énorme et s'était retrouvé devant une plage.
La mer l'avait aussitôt fasciné. Il en avait toujours entendu parler, sans avoir eu la chance de pouvoir l'admirer de près. Maintenant qu'il la voyait en face de lui, impétueuse, majestueuse, indomptable, il se sentait comme aspiré par sa grandeur, tout en la haïssant à la fois. Ne dit-on pas que l'eau est l'élément naturel auquel s'oppose le feu ? Il était resté un long moment les bras ballants, à contempler l'étendue bleue qui s'offrait à lui. Assis dans le sable, sans penser à rien. Il était seul. Livré à lui-même. Une situation qui n'était pas pour lui déplaire, bien loin de là.
Sa tranquillité fut néanmoins troublée. Des bruits de pas, qui s'avançaient vers sa direction. Des bruits qui brisaient la mélodie des vagues, allant et venant, comme pour dire "Attrape-moi si tu peux !", rien que pour le plaisir de vous narguer. Furieux d'avoir été ainsi dérangé, Luciole fut sur ses pieds en un bond ; en un autre, il faisait face à son interlocuteur, pointant son sabre sur sa gorge. Il le fixait de son regard fixe et indifférent, droit dans les yeux, ne prêtant nulle attention à son physique.
Tu me déranges, balança-t-il d'une voix sifflante et glaciale. Qui es-tu ? demanda-t-il, enfin intrigué par la longue chevelure rouge et les yeux reptiliens de son interlocuteur. Luciole ne baissa cependant pas son sabre, laissant l'aura froide de sa colère envahir l'atmosphère, jusqu'à l'étouffer.